La redéfinition de la laicité par N. Sarkozy

Publié le par VincentC

(Article à paraître dans la rubrique "pages politiques " du prochain numéro de Heclektik,  le  journal des étudiants de HEC)

Traiter des transformations de la laïcité en une page n'est pas simple. Un tel sujet nécessiterait avant tout un recadrage historique et idéologique précis. Mais la concision n'oblige pas non plus à tomber dans la caricature. On ne peut ainsi tout de suite, sans mauvaise foi, clamer que M. Sarkozy veuille révoquer la loi de 1905. Il l'a dit lui-même lors du désormais célèbre discours du Latran (tenu au Vatican en décembre dernier): « Il ne s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. » Cela dit, il est vrai que depuis un siècle le paysage religieux s'est profondément renouvelé. Désormais, la question se pose du financement publique des lieux de cultes musulmans, que les archaïsmes de la loi de 1905 interdisent. Cependant il y un fossé entre des ajustements techniques nécessaires et le projet religieux de M. Sarkozy, qui a pris le nom de « laïcité positive ».

Je suis d'accord avec N. Sarkozy pour dire que la laïcité « négative », avec ses sectarismes, avec ses intégristes anticléricaux, est nuisible. Mais dans le discours déjà cité, le président poursuit en définissant cette laïcité positive comme une laïcité qui « considère que les religions (...) sont plutôt un atout ». Leur rôle devrait donc être accru et leur fonction officiellement reconnue dans le domaine spirituel, social mais aussi – et c'est là tout l'enjeu de la controverse – dans le domaine moral et politique. Jugez-en plutôt: « La France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient. (...) Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance.  (...) Partout où vous [représentants de l'Eglise] agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue inter-religieux, dans les universités, je vous soutiendrai. »

Cela montre bien que lorsque on a besoin d'un adjectif, c'est qu'on veut changer le sens d'un mot.

La laïcité positive n'est plus la laïcité à laquelle, avec raison, nous sommes attachés.

En 2004, un certain François Fillon, ministre de l'éducation, était parvenu à imposer une loi sur les signes religieux ostentatoires à l'école. Peut-être aurait-il été bien inspiré de rajouter un article sur les signes religieux ostentatoires en politique! Certes, le président de la République a le droit de parler de la religion, mais exalter comme le fait M. Sarkozy la religion catholique et les racines chrétiennes (évidentes) de la France, cela va à l'encontre de notre tradition républicaine. Soulever ainsi le couvercle de la boite de Pandore des tensions religieuses latentes peut ne pas être sans conséquences. Quel besoin y avait-il d'ébranler un des rares consensus de la société française?

Mais il semble que cette question doive s'inscrire dans l'ensemble plus vaste des multiples réformes avancées simultanément par Nicolas Sarkozy. On peut polémiquer, on peut communiquer, on peut gesticuler sur les régimes de retraite, la télévision publique, ou la BCE. Je pense cependant qu'il y a des domaines (touchant notamment à la mémoire, aux religions, à la constitution, à l'identité nationale...) où le style de gouvernement de M. Sarkozy n'est pas approprié et peut même s'avérer dangereux. En politique, il y a certes les actes, mais il y a aussi et surtout les symboles et les valeurs. Encore plus que par ses décisions ou sa façon de gouverner, c'est par les valeurs qu 'il promeut que le chef de l'Etat suscite désapprobations, mécontentements, et rejets. Et c'est, notamment sur ce terrain des valeurs, que le centre démocrate a, je crois, demain comme aujourd'hui, un message à porter.


Publié dans Réflexions

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T
Bonjour,<br /> Oui effectivement, la laïcité est un des fondements de la république. La neutralité de l'état vis-à-vis des religions permet la liberté de pensée et de ne pas être inquiété pour ses opinions.<br /> Cet acquis de la république paraît incontournable et indiscutable.
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